

Un premier bilan
La France, terre d’innovation et de start-ups ! Cette idée dont beaucoup de Français aimeraient bien se prendre à rêver est-elle envisageable ? Le doute est permis concernant la réponse à apporter à cette question. Une étude Coface de 2015 soulignait la faiblesse de l’environnement français quantà promouvoir le développement des start-ups, notamment en comparaison des autres nations européennes. Ainsi, l’expert en assurance-crédit place la France en bas de tableau (15 ème ) loin derrière les pays scandinaves dans son classement des écosystèmes les plus favorables aux start-ups ; le pays ne devançant que l’Italie et l’Espagne, c’est pour dire ! Ce classement, loin de tomber du ciel, se fonde sur une méthodologie précise en étudiant notamment le niveau d’éducation, l’accès au financement et le comportement des entrepreneurs potentiels.
Or c’est bien dans l’accès au financement que la France rencontre son plus gros écueil ! Coface explique qu’uniquement 1.9% des fonds de capital risque français sont concernés par le financement de start-ups en 2013 contre 7.9% pour la moyenne européenne. Problématique non ?
Le coup d’œil du Conseil d’analyse économique sur la situation
Dans un rapport du 7 juillet 2016, le Conseil d’analyse économique dressait le constat suivant : le tissu économique des start-ups en France souffre « d’un déficit d’attractivité ». Cette analyse qui laissera un goût amer dans la bouche de plus d’une personne semble pourtant bien réelle au vu de
certains maux typiquement français. C’est du moins la position prise dans cette note du C.A.E rédigée par Marie Ekeland (vice-présidente de France Digitale), Augustin Landier (professeur à l’université Toulouse Capitole) et Jean Tirole (prix Nobel d’économie).
Le rapport commence par constater la triste perception des investisseurs étrangers à l’égard de la situation économique du pays. Les auteurs estiment que ces investisseurs potentiels ne sont aujourd’hui pas incités à venir mettre leur argent en France. Et on peut les comprendre ! Entre réglementations du travail, fiscalité désavantageuse et menace d’un interventionnisme étatiste « anti-business » à l’image des cas Dailymotion et Uber, il y a de quoi en rebuter plus d’un…
Autre point noir, la petitesse et le manque d’internationalisation des fonds d’investissement français. Lorsqu’à Paris, 73% des personnes parlant investissement autour d’une table sont des investisseurs locaux, on s’aperçoit que la statistique passe à 53% à Londres. Dans la même veine, il est nécessaire de souligner le manque de business angels en France. Leur absence fait grandement défaut à l’essor de nos start-ups puisque c’est normalement eux qui ont la tâche d’apporter les fonds indispensables au lancement de l’activité ! On en compte à peine plus de 5 000 sur le territoire national contre près de 500 000 aux Etats-Unis. Tout est dit ! D’autant que le montant moyen apporté par bienfaiteur est de 16 000 euros en France tandis que, dans le même temps, il est de 40 000 euros chez eux.
Enfin, Augustin Landier souligne dans ce rapport l’omniprésence de l’investissement public, spécificité bien française, remettant sur la table la grande question de savoir si l’Etat est le mieux placé pour allouer les ressources. Le risque étant que Bpifrance se substitue au secteur privé. Histoire de relever la tête et d’avoir un léger sursaut d’orgueil, Marie Ekeland note toutefois que cela n’a pas empêché l’éclosion de quelques licornes françaises, j’ai nommé Blablacar ou encore Critéo qui sont estimées à une valorisation dépassant le milliard de dollars. Comme quoi, il faut parfois se satisfaire de ce que l’on a !
L’origine du problème : la culture
D’où ce problème bien français peut-il prendre sa source ? L’une des réponses à cette question se trouve à mon avis dans notre culture, plusieurs points étant assez révélateurs. Tout d’abord, la culture du risque n’est pas « bleue, blanc, rouge », loin s’en faut. Aux Etats-Unis, l’esprit d’entreprendre est une mentalité propre à tous, cela dès le plus jeune âge. Tandis que la maman américaine aura tendance à inciter ses enfants à partir à l’aventure et s’amuser sous-estimant probablement le danger, la maman européenne mettra l’accent sur la prudence et le fait de « Faire attention ». Si un juste milieu pourrait être souhaitable, il traduit néanmoins une certaine aversion au risque des européens, aversion que l’on retrouve plus tard aussi bien chez les investisseurs que chez certains entrepreneurs. C’est pourquoi, si en France et en Allemagne, cinq mois seront en moyenne nécessaires pour convaincre un business angel, cela ne prendra qu’un rendez-vous de l’autre côté de l’Atlantique.
Mais deux autres facteurs, que nous ne partageons pas avec nos voisins allemands, se rajoutent à notre frilosité : le manque de patience et d’audace. Les Français veulent tout, tout de suite ! Attendre n’est pas notre fort comme le symbolise notre attitude au volant. Nous sommes un des rares pays où, dès qu’une voiture n’avance pas, on appuie sur le klaxon plus vite que notre ombre. A l’inverse, les Allemands ont intégré, de par leur passif de grand pays industriel, que tout investissement conséquent prendra du temps avant de produire ses premiers fruits, faisant de la patience l’une de leurs forces. Pour l’audace, un chiffre suffira à illustrer cette qualité qui nous fait tant défaut : parmi les pays du G20 nous ne sommes jugés le pays le plus audacieux que par 9% des suffrages loin derrière les Etats-Unis qui sont premiers avec 58% des votes et l’Allemagne troisième avec 28%. Le pire résidant peut-être dans le fait que non content de manquer d’audace, tout un pan de notre pays s’amuse à combattre, critiquer et jalouser les audacieux. Un comble !
Pour finir sur une pointe d’humour, il est amusant de regarder les différences de nomination. L’investisseur européen est communément appelé « Capital Risk », un moyen de rappeler qu’investir, c’est risqué ! Personnellement, je préfère le terme américain de « Venture Capitalist » préférant souligner que l’investisseur fait partie d’un projet innovant à visée lucrative. Le verre à moitié vide contre le verre à moitié plein !
Le Polar bear pitching pour réconcilier start-ups et investisseurs
Améliorer la relation qui lie les start-ups aux investisseurs passe probablement par la création de plus de contacts et de passerelles entre ces deux milieux qui sont bien souvent méfiants l’un envers l’autre. C’est pourquoi des meetings existent ou entrepreneurs en manque d’argent pour leur start-up et investisseurs désireux de donner se rejoignent. Le principe est simple, élaborer pour l’entrepreneur le pitch le plus convaincant et concis possible afin d’attirer les regards des investisseurs potentiels et/ou de convaincre un jury pour recevoir un prix.
Parmi ces meetings, l’un aura particulièrement retenu mon attention : le polar bear pitching. Celui-ci se déroule en Finlande depuis maintenant quatre ans d’après une idée de l’université d’Oulu. Son concept est tout aussi unique qu’étonnant ! Il consiste à faire plonger le startupper dans un bain d’eau glacée lui imposant comme unique limite de temps à son discours sa résistance au froid. Plus que de se mettre dans une situation cocasse, c’est justement un moyen pour les startuppers de mettre en avant leur audace et leur capacité de résistance, ici au froid ! Plus que de choisir un projet sur un simple discours de vente de sa start-up, cela permet aux investisseurs de voir le comportement du startupper en situation d’adversité. Intéressant ! Du moins c’est ce que pense l’opinion générale pour qui, ce type de forum à la fois décalé et sérieux, apporte une vraie plus-value et permet de créer une relation de confiance entre investisseurs et startuppers ! Pour l’anecdote, le gagnant du polar bear pitching se voit offrir la coquette somme de 10 000 euros, sans compter son exposition auprès des investisseurs présents. Sachant cela, vous n’avez plus d’excuse pour ne pas vous jeter à l’eau… !
Lexique
Fonds de capital risque : Fonds d’investissement qui a pour unique but de financer les jeunes entreprises n’ayant pas encore accès aux marchés financiers et pour lesquelles le financement par endettement est pas approprié.
Business angel : Personne physique qui investit à titre individuel au capital d’une entreprise innovante peu de temps après sa création et sans avoir la certitude d’un retour sur investissement.
Elle peut aussi mettre à disposition ses compétences techniques, son réseau et même une partie de son temps pour aider au développement de l’entreprise.
Bpifrance : Banque publique d’investissement française.
Licorne : Une licorne est une startup valorisée à plus d’un milliard de dollars. Airbnb, Uber, Snapchat en sont des exemples.
Startupper : Fondateur ou co-fondateur d’une start-up.
Baptiste TREGUER
Sources
1/http://lentreprise.lexpress.fr/…/la-france-en-retard-dans-l… « La France en retard dans le financement des start-up » dans L’Express.fr le 7 juillet 2016 sans préciser l’auteur.
2/http://1001startups.fr/culture-investissement-france/ sur le site 1001 startups, écrit par Kevin BRESSON avec
date de publication inconnue.
3/https://business.lesechos.fr/…/des-start-up-freinees-par-le… « Des start-up freinées par le manque d’investisseurs privées » / écrit par
Bruno ASKENAZI le 2 mars 2015 dans Les Echos Entrepreneurs.
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